Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/89

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— Soyez tranquille, Renée : en faveur de votre amour je serai indulgent.

Renée répondit à ce regard par son plus doux sourire, et Villefort sortit avec le paradis dans le cœur.



VII

L’INTERROGATOIRE.

À peine de Villefort fut-il hors de la salle à manger qu’il quitta son masque joyeux pour prendre l’air grave d’un homme appelé à cette suprême fonction de prononcer sur la vie de son semblable. Or, malgré la mobilité de sa physionomie, mobilité que le substitut avait, comme doit faire un habile acteur, plus d’une fois étudiée devant sa glace, ce fut cette fois un travail pour lui que de froncer son sourcil et d’assombrir ses traits. En effet, à part le souvenir de cette ligne politique suivie par son père, et qui pouvait, s’il ne s’en éloignait complètement, faire dévier son avenir, Gérard de Villefort était en ce moment aussi heureux qu’il est donné à un homme de le devenir : déjà riche par lui-même, il occupait à vingt-sept ans une place élevée dans la magistrature, il épousait une jeune et belle personne qu’il aimait, non pas passionnément, mais avec raison, comme un substitut du procureur du roi peut aimer, et outre sa beauté, qui était remarquable, mademoiselle de Saint-Méran, sa fiancée, appartenait à une des familles les mieux en cour de l’époque ; et outre l’influence de son père et de sa mère, qui, n’ayant point d’autre enfant,