Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/112

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venez-vous me le dire à moi ? Pourquoi accusez-vous l’homme et vous en prenez-vous à la femme ?

— Est-ce que je connais M. Debray, moi ? dit Danglars ; est-ce que je veux le connaître ? est-ce que je veux savoir qu’il donne des conseils ? est-ce que je veux les suivre ? est-ce que je joue ? Non, c’est vous qui faites tout cela, et non pas moi !

— Mais il me semble que puisque vous en profitez…

Danglars haussa les épaules.

— Folles créatures, en vérité, que ces femmes qui se croient des génies parce qu’elles ont conduit une ou dix intrigues de façon à n’être pas affichées dans tout Paris ! Mais songez donc qu’eussiez-vous caché vos dérèglements à votre mari même, ce qui est l’A B C de l’art, parce que la plupart du temps les maris ne veulent pas voir, vous ne seriez qu’une pâle copie de ce que font la moitié de vos amies les femmes du monde. Mais il n’en est pas ainsi pour moi ; j’ai vu et toujours vu ; depuis seize ans à peu près, vous m’avez caché une pensée peut-être, mais pas une démarche, pas une action, pas une faute. Tandis que vous, de votre côté, vous vous applaudissiez de votre adresse et croyiez fermement me tromper : qu’en est-il résulté ? c’est que, grâce à ma prétendue ignorance, depuis M. de Villefort jusqu’à M. Debray, il n’est pas un de vos amis qui n’ait tremblé devant moi. Il n’en est pas un qui ne m’ait traité en maître de la maison, ma seule prétention près de vous ; il n’en est pas un, enfin, qui ait osé vous dire de moi ce que je vous en dis moi-même aujourd’hui. Je vous permets de me rendre odieux, mais je vous empêcherai de me rendre ridicule, et surtout je vous défends positivement et, par-dessus tout, de me ruiner.

Jusqu’au moment où le nom de Villefort avait été prononcé, la baronne avait fait assez bonne contenance