Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/131

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pécheresse et de la femme adultère. Aussi, je vous l’avoue, en me reportant à ces délires de ma jeunesse, je pense quelquefois que Dieu me les pardonnera, car sinon l’excuse, du moins la compensation s’en est bien trouvée dans mes souffrances ; mais vous, qu’avez-vous à craindre de tout cela, vous autres hommes que tout le monde excuse et que le scandale anoblit ?

— Madame, répliqua Villefort, vous me connaissez ; je ne suis pas un hypocrite, ou du moins je ne fais pas de l’hypocrisie sans raison. Si mon front est sévère, c’est que bien des malheurs l’ont assombri ; si mon cœur s’est pétrifié, c’est afin de pouvoir supporter les chocs qu’il a reçus. Je n’étais pas ainsi dans ma jeunesse, je n’étais pas ainsi ce soir des fiançailles où nous étions tous assis autour d’une table de la rue du Cours à Marseille. Mais, depuis, tout a bien changé en moi et autour de moi ; ma vie s’est usée à poursuivre des choses difficiles et à briser dans les difficultés ceux qui, volontairement ou involontairement, par leur libre arbitre ou par le hasard, se trouvaient placés sur mon chemin pour me susciter ces choses. Il est rare que ce qu’on désire ardemment ne soit pas défendu ardemment par ceux de qui on veut l’obtenir ou auxquels on tente de l’arracher. Ainsi, la plupart des mauvaises actions des hommes sont venues au-devant d’eux, déguisées sous la forme spécieuse de la nécessité ; puis, la mauvaise action commise dans un moment d’exaltation, de crainte et de délire, on voit qu’on aurait pu passer auprès d’elle en l’évitant. Le moyen qu’il eût été bon d’employer, qu’on n’a pas vu, aveugle qu’on était, se présente à vos yeux facile et simple ; vous vous dites : comment n’ai-je pas fait ceci au lieu de faire cela ? Vous, mesdames, au contraire, bien rarement vous êtes tourmentées par des