Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/148

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des pistolets magnifiques dont il faisait rapidement crier les ressorts.

— Ainsi, votre père a été bien heureux ? dit-il.

— Vous savez mon opinion sur ma mère, monsieur le comte : un ange du ciel ; voyez-la encore belle, spirituelle toujours, meilleure que jamais. J’arrive du Tréport ; pour tout autre fils, eh ! mon Dieu ! accompagner sa mère serait une complaisance ou une corvée ; mais moi, j’ai passé quatre jours en tête à tête avec elle, plus satisfait, plus reposé, plus poétique, vous le dirai-je, que si j’eusse emmené au Tréport la reine Mab ou Titania.

— C’est une perfection désespérante, et vous donnez à tous ceux qui vous entendent de graves envies de rester célibataires.

— Voilà justement, reprit Morcerf, pourquoi, sachant qu’il existe au monde une femme accomplie, je ne me soucie pas d’épouser mademoiselle Danglars. Avez-vous quelquefois remarqué comme notre égoïsme revêt de couleurs brillantes tout ce qui nous appartient ? Le diamant qui chatoyait à la vitre de Marlé ou de Fossin devient bien plus beau depuis qu’il est notre diamant ; mais si l’évidence vous force à reconnaître qu’il en est d’une eau plus pure, et que vous soyez condamné à porter éternellement ce diamant inférieur à un autre, comprenez-vous la souffrance ?

— Mondain ! murmura le comte.

— Voilà pourquoi je sauterai de joie le jour où mademoiselle Eugénie s’apercevra que je ne suis qu’un chétif atome, et que j’ai à peine autant de cent mille francs qu’elle a de millions.

Monte-Cristo sourit.

— J’avais bien pensé à autre chose, continua Albert ; Franz aime les choses excentriques, j’ai voulu le rendre