Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/180

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Albert baisa la main de sa mère, et alla se placer près du comte.

Un autre plateau passa chargé comme les précédents ; elle vit Albert insister près du comte, prendre même une glace et la lui présenter, mais il refusa obstinément.

Albert revint près de sa mère ; la comtesse était très pâle.

— Eh bien ! dit-elle, vous voyez, il a refusé.

— Oui ; mais en quoi cela peut-il vous préoccuper ?

— Vous le savez, Albert, les femmes sont singulières. J’aurais vu avec plaisir le comte prendre quelque chose chez moi, ne fût-ce qu’un grain de grenade. Peut-être au reste ne s’accommode-t-il pas des coutumes françaises, peut-être a-t-il des préférences pour quelque chose.

— Mon Dieu, non ! je l’ai vu en Italie prendre de tout ; sans doute qu’il est mal disposé ce soir.

— Puis, dit la comtesse, ayant toujours habité des climats brûlants, peut-être est-il moins sensible qu’un autre à la chaleur ?

— Je ne crois pas, car il se plaignait d’étouffer, et il demandait pourquoi, puisqu’on a déjà ouvert les fenêtres, on n’a pas aussi ouvert les jalousies.

— En effet, dit Mercédès, c’est un moyen de m’assurer si cette abstinence est un parti pris.

Et elle sortit du salon.

Un instant après, les persiennes s’ouvrirent, et l’on put, à travers les jasmins et les clématites qui garnissaient les fenêtres, voir tout le jardin illuminé avec les lanternes et le souper servi sous la tente.

Danseurs et danseuses, joueurs et causeurs, poussèrent un cri de joie : tous ces poumons altérés aspiraient avec délices l’air qui entrait à flots.

Au même moment, Mercédès reparut, plus pâle qu’elle