Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/192

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reconnaître de quelle maladie le pauvre marquis était mort ?

— Mon Dieu oui, monsieur, il me l’a dit ; il paraît que c’est d’une apoplexie foudroyante.

— Et que fîtes-vous alors ?

— M. de Saint-Méran avait toujours dit que, s’il mourait loin de Paris, il désirait que son corps fût ramené dans le caveau de la famille. Je l’ai fait mettre dans un cercueil de plomb, et je le précède de quelques jours.

— Oh ! mon Dieu, pauvre mère ! dit Villefort ; de pareils soins après un pareil coup, et à votre âge !

— Dieu m’a donné la force jusqu’au bout ; d’ailleurs, ce cher marquis, il eût certes fait pour moi ce que j’ai fait pour lui. Il est vrai que depuis que je l’ai quitté là-bas, je crois que je suis folle. Je ne peux plus pleurer ; il est vrai qu’on dit qu’à mon âge on n’a plus de larmes ; cependant il me semble que tant qu’on souffre on devrait pouvoir pleurer. Où est Valentine, monsieur ? c’est pour elle que nous revenions, je veux voir Valentine.

Villefort pensa qu’il serait affreux de répondre que Valentine était au bal ; il dit seulement à la marquise que sa petite-fille était sortie avec sa belle-mère et qu’on allait la prévenir.

— À l’instant même, monsieur, à l’instant même, je vous en supplie, dit la vieille dame.

Villefort mit sous son bras le bras de madame de Saint-Méran et la conduisit à son appartement.

— Prenez du repos, dit-il, ma mère.

La marquise leva la tête à ce mot, et voyant cet homme qui lui rappelait cette fille tant regrettée qui revivait pour elle dans Valentine, elle se sentit frappée par ce mot de mère, se mit à fondre en larmes, et tomba à genoux dans un fauteuil où elle ensevelit sa tête vénérable.