Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/233

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Elle avait quitté la fenêtre restée ouverte, et priait tout haut avec des accents qui eussent touché le cœur le plus insensible ; la parole s’échappait de ses lèvres, rapide, incohérente, inintelligible, tant la douleur serrait sa gorge de ses brûlantes étreintes.

La lune, glissant à travers l’ouverture des persiennes, faisait pâlir la lueur de la bougie, et azurait de ses teintes funèbres, ce tableau de désolation.

Morrel ne put résister à ce spectacle ; il n’était pas d’une piété exemplaire, il n’était pas facile à impressionner, mais Valentine souffrant, pleurant, se tordant les bras à sa vue, c’était plus qu’il n’en pouvait supporter en silence. Il poussa un soupir, murmura un nom, et la tête noyée dans les pleurs et marbrée sur le velours du fauteuil, une tête de Madeleine du Corrége, se releva et demeura tournée vers lui.

Valentine le vit et ne témoigna point d’étonnement. Il n’y a plus d’émotions intermédiaires dans un cœur gonflé par un désespoir suprême.

Morrel tendit la main à son amie. Valentine, pour tout excuse de ce qu’elle n’avait point été le trouver, lui montra le cadavre gisant sous le drap funèbre, et recommença à sangloter.

Ni l’un ni l’autre n’osaient parler dans cette chambre. Chacun hésitait à rompre ce silence que semblait commander la Mort debout dans quelque coin et le doigt sur les lèvres.

Enfin Valentine osa la première.

— Ami, dit-elle, comment êtes-vous ici ? Hélas ! je vous dirais : soyez le bienvenu, si ce n’était pas la Mort qui vous eût ouvert la porte de cette maison.

— Valentine, dit Morrel d’une voix tremblante et les mains jointes, j’étais là depuis huit heures et demie ; je