Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/163

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— Mais, monsieur ! s’écria celui-ci, n’est-on plus maître de recevoir chez soi qui l’on veut, ou qui l’on ne veut pas ? Il me semble que vous vous oubliez étrangement.

— Non, monsieur, dit froidement Albert ; il y a des circonstances, et vous êtes dans une de celles-là, où il faut, sauf lâcheté, je vous offre ce refuge, être chez soi pour certaines personnes du moins.

— Alors, que me voulez-vous donc, monsieur ?

— Je veux, dit Morcerf, s’approchant sans paraître faire attention à Cavalcanti qui était adossé à la cheminée ; je veux vous proposer un rendez-vous dans un coin écarté, où personne ne vous dérangera pendant dix minutes, je ne vous en demande pas davantage ; où, de deux hommes qui se sont rencontrés, il en restera un sous les feuilles.

Danglars pâlit. Cavalcanti fit un mouvement. Albert se retourna vers le jeune homme.

— Oh ! mon Dieu ! dit-il, venez si vous voulez, monsieur le comte, vous avez le droit d’y être, vous êtes presque de la famille, et je donne de ces sortes de rendez-vous à autant de gens qu’il s’en trouvera pour les accepter.

Cavalcanti regarda d’un air stupéfait Danglars, lequel, faisant un effort, se leva et s’avança entre les deux jeunes gens. L’attaque d’Albert à Andrea venait de le placer sur un autre terrain ; et il espérait que la visite d’Albert avait une autre cause que celle qu’il lui avait supposée d’abord.

— Ah çà ! monsieur, dit-il à Albert, si vous venez ici chercher querelle à monsieur parce que je l’ai préféré à vous, je vous préviens que je ferai de cela une affaire de procureur du roi.

— Vous vous trompez, monsieur, dit Morcerf avec un sombre sourire, je ne parle pas mariage le moins du