Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/176

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Et Monte-Cristo montra la porte à Albert avec un geste admirable de commandement.

— Ah ! je vous en ferai bien sortir de chez vous ! reprit Albert en froissant dans ses mains convulsives son gant, que le comte ne perdait pas de vue.

— Bien, bien ! dit flegmatiquement Monte-Cristo ; vous me cherchez querelle, monsieur, je vois cela ; mais un conseil, vicomte, et retenez-le bien : c’est une coutume mauvaise que de faire du bruit en provoquant. Le bruit ne va pas à tout le monde, monsieur de Morcerf.

À ce nom, un murmure d’étonnement passa comme un frisson parmi les auditeurs de cette scène. Depuis la veille, le nom de Morcerf était dans toutes les bouches.

Albert, mieux que tous, et le premier de tous, comprit l’allusion, et fit un geste pour lancer son gant au visage du comte ; mais Morrel lui saisit le poignet, tandis que Beauchamp et Château-Renaud, craignant que la scène ne dépassât la limite d’une provocation, le retenaient par derrière.

Mais Monte-Cristo, sans se lever, en inclinant sa chaise, étendit la main seulement, et saisissant entre les doigts crispés du jeune homme le gant humide et écrasé :

— Monsieur ! dit-il avec un accent terrible, je tiens votre gant pour jeté, et je vous l’enverrai roulé autour d’une balle. Maintenant sortez de chez moi, ou j’appelle mes domestiques et je vous fais jeter à la porte.

Ivre, effaré, les yeux sanglants, Albert fit deux pas en arrière.

Morrel en profita pour refermer la porte.

Monte-Cristo reprit sa jumelle et se remit à lorgner, comme si rien d’extraordinaire ne venait de se passer.

Cet homme avait un cœur de bronze et un visage de marbre. Morrel se pencha à son oreille :