Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/290

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— À merveille ! Par qui t’es-tu procuré ce passeport ?

— En allant demander à M. de Monte-Cristo des lettres pour les directeurs des théâtres de Rome et de Naples, je lui ai exprimé mes craintes de voyager en femme ; il les a parfaitement comprises, s’est mis à ma disposition pour me procurer un passeport d’homme ; et, deux jours après, j’ai reçu celui-ci, auquel j’ai ajouté de ma main : Voyageant avec sa sœur.

— Eh bien ! dit gaiement Eugénie, il ne s’agit plus que de faire nos malles : nous partirons le soir de la signature du contrat, au lieu de partir le soir des noces : voilà tout.

— Réfléchis bien, Eugénie.

— Oh ! toutes mes réflexions sont faites ; je suis lasse de n’entendre parler que de reports, de fins de mois, de hausse, de baisse, de fonds espagnols, de papier haïtien. Au lieu de cela, Louise, comprends-tu, l’air, la liberté, le chant des oiseaux, les plaines de la Lombardie, les canaux de Venise, les palais de Rome, la plage de Naples. Combien possédons-nous, Louise ?

La jeune fille qu’on interrogeait tira d’un secrétaire incrusté un petit portefeuille à serrure qu’elle ouvrit, et dans lequel elle compta vingt-trois billets de banque.

— Vingt-trois mille francs, dit-elle.

— Et pour autant au moins de perles, de diamants et bijoux, dit Eugénie. Nous sommes riches. Avec quarante-cinq mille francs, nous avons de quoi vivre en princesses pendant deux ans, ou convenablement pendant quatre.

Mais avant six mois, toi avec ta musique, moi avec ma voix, nous aurons doublé notre capital. Allons, charge-toi de l’argent, moi je me charge du coffret aux pierreries ; de sorte que si l’une de nous avait le malheur de perdre son trésor, l’autre aurait toujours le sien. Maintenant, la valise ; hâtons-nous, la valise !