Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/93

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pouvait désormais se croire chez lui et agir en toute tranquillité.

Seul et libre de tous ses mouvements, l’homme alors tira de sa large poche quelque chose, que le comte put distinguer, posa ce quelque chose sur un guéridon, puis il alla droit au secrétaire, le palpa à l’endroit de la serrure, et s’aperçut que, contre son attente, la clef manquait.

Mais le casseur de vitres était un homme de précaution et qui avait tout prévu ; le comte entendit bientôt ce froissement du fer contre le fer que produit, quand on le remue, ce trousseau de clefs informes qu’apportent les serruriers quand on les envoie chercher pour ouvrir une porte, et auxquels les voleurs ont donné le nom de rossignols, sans doute à cause du plaisir qu’ils éprouvent à entendre leur chant nocturne, lorsqu’ils grincent contre le pêne de la serrure.

— Ah ! ah ! murmura Monte-Cristo avec un sourire de désappointement, ce n’est qu’un voleur.

Mais l’homme, dans l’obscurité, ne pouvait choisir l’instrument convenable. Il eut alors recours à l’objet qu’il avait posé sur le guéridon ; il fit jouer un ressort, et aussitôt une lumière pâle, mais assez vive cependant pour qu’on pût voir, envoya son reflet doré sur les mains et sur le visage de cet homme.

— Tiens ! fit tout à coup Monte-Cristo en se reculant avec un mouvement de surprise, c’est…

Ali leva sa hache.

— Ne bouge pas, lui dit Monte-Cristo tout bas, et laisse là ta hache, nous n’avons plus besoin d’armes ici.

Puis il ajouta quelques mots en baissant encore la voix, car l’exclamation, si faible qu’elle fût, que la surprise avait arrachée au comte, avait suffi pour faire tressaillir