Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/96

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vous me reconnaissiez, mon cher monsieur Caderousse ; cela prouve que nous avons bonne mémoire, car, si je ne me trompe, voilà tantôt dix ans que nous ne nous sommes vus.

Ce calme, cette ironie, cette puissance, frappèrent l’esprit de Caderousse d’une terreur vertigineuse.

— L’abbé, l’abbé ! murmura-t-il en crispant ses poings et en faisant claquer ses dents.

— Nous voulons donc voler le comte de Monte-Cristo ? continua le prétendu abbé.

— Monsieur l’abbé, murmura Caderousse cherchant à gagner la fenêtre que lui interceptait impitoyablement le comte, monsieur l’abbé, je ne sais… je vous prie de croire… je vous jure…

— Un carreau coupé, continua le comte, une lanterne sourde, un trousseau de rossignols, un secrétaire à demi forcé, c’est clair cependant.

Caderousse s’étranglait avec sa cravate, il cherchait un angle où se cacher, un trou par où disparaître.

— Allons, dit le comte, je vois que vous êtes toujours le même, monsieur l’assassin.

— Monsieur l’abbé, puisque vous savez tout, vous savez que ce n’est pas moi, que c’est la Carconte ; ç’a été reconnu au procès, puisqu’ils ne m’ont condamné qu’aux galères.

— Vous avez donc fini votre temps, que je vous retrouve en train de vous y faire ramener ?

— Non, monsieur l’abbé, j’ai été délivré par quelqu’un.

— Ce quelqu’un-là a rendu un charmant service à la société.

— Ah ! dit Caderousse, j’avais cependant bien promis…

— Ainsi, vous êtes en rupture de ban ? interrompit Monte-Cristo.