Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/125

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de la maison une vaste ruine, je ne veux pas servir de fondation à la fortune d’autrui.

« Je vous ai prise riche, mais peu honorée.

« Pardonnez-moi de vous parler avec cette franchise ; mais, comme je ne parle que pour nous deux probablement, je ne vois pas pourquoi je farderais mes paroles.

« J’ai augmenté notre fortune, qui pendant plus de quinze ans a été croissant, jusqu’au moment où des catastrophes inconnues et inintelligibles encore pour moi sont venues la prendre corps à corps et la renverser, sans que, je puis le dire, il n’y ait aucunement de ma faute.

« Vous, madame, vous avez travaillé seulement à accroître la vôtre, chose à laquelle vous avez réussi, j’en suis moralement convaincu.

« Je vous laisse donc comme je vous ai prise, riche, mais peu honorable.

« Adieu.

« Moi aussi je vais, à partir d’aujourd’hui, travailler pour mon compte.

« Croyez à toute ma reconnaissance pour l’exemple que vous m’avez donné, et que je vais suivre.

« Votre mari bien dévoué,
« Baron Danglars. »


La baronne avait suivi des yeux Debray pendant cette longue et pénible lecture ; elle avait vu, malgré sa puissance bien connue sur lui-même, le jeune homme changer de couleur une ou deux fois.

Lorsqu’il eut fini, il ferma lentement le papier dans ses plis, et reprit son attitude pensive.

— Eh bien ? demanda madame Danglars avec une anxiété facile à comprendre.