Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/127

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— De voyager ! murmura madame Danglars.

— Certainement. Comme l’a dit M. Danglars, vous êtes riche et parfaitement libre. Une absence de Paris sera nécessaire absolument, à ce que je crois du moins, après le double éclat du mariage rompu de mademoiselle Eugénie et la disparition de M. Danglars.

Il importe seulement que tout le monde vous sache abandonnée et vous croie pauvre ; car on ne pardonnerait pas à la femme du banqueroutier son opulence et son grand état de maison.

Pour le premier cas, il suffit que vous restiez seulement quinze jours à Paris, répétant à tout le monde que vous êtes abandonnée et racontant à vos meilleures amies, qui iront le répéter dans le monde, comment cet abandon a eu lieu. Puis vous quitterez votre hôtel, vous y laisserez vos bijoux, vous abandonnerez votre douaire, et chacun vantera votre désintéressement et chantera vos louanges.

Alors on vous saura abandonnée, et l’on vous croira pauvre ; car moi seul connais votre situation financière et suis prêt à vous rendre mes comptes en loyal associé.

La baronne, pâle, atterrée, avait écouté ce discours avec autant d’épouvante et de désespoir que Debray avait mis de calme et d’indifférence à le prononcer.

— Abandonnée ! répéta-t-elle, oh ! bien abandonnée…

Oui, vous avez raison, monsieur, et personne ne doutera de mon abandon.

Ce furent les seules paroles que cette femme, si fière et si violemment éprise, put répondre à Debray.

— Mais riche, très riche même, poursuivit Debray en tirant de son portefeuille et en étalant sur la table quelques papiers qu’il renfermait.

Madame Danglars le laissa faire, tout occupée d’étouffer les battements de son cœur et de retenir les larmes