Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/132

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connaît plus la femme aussitôt qu’elle vous apparaît sous des habits plus simples ; non, pas davantage, qu’elle fût tombée à cet état de dépression où l’on est contraint de revêtir la livrée de la misère : non, Mercédès était changée parce que son œil ne brillait plus, parce que sa bouche ne souriait plus, parce qu’enfin un perpétuel embarras arrêtait sur ses lèvres le mot rapide que lançait autrefois un esprit toujours préparé.

Ce n’était pas la pauvreté qui avait flétri l’esprit de Mercédès, ce n’était pas le manque de courage qui lui rendait pesante sa pauvreté.

Mercédès, descendue du milieu dans lequel elle vivait, perdue dans la nouvelle sphère qu’elle s’était choisie, comme ces personnes qui sortent d’un salon splendidement éclairé pour passer subitement dans les ténèbres, Mercédès semblait une reine descendue de son palais dans une chaumière, et qui, réduite au strict nécessaire, ne se reconnaît ni à la vaisselle d’argile qu’elle est obligée d’apporter elle-même sur sa table, ni au grabat qui a succédé à son lit.

En effet, la belle Catalane ou la noble comtesse n’avait plus ni son regard fier, ni son charmant sourire, parce qu’en arrêtant ses yeux sur ce qui l’entourait elle ne voyait que d’affligeants objets ; c’était une chambre tapissée d’un de ces papiers gris sur gris, que les propriétaires économes choisissent de préférence comme étant les moins salissants ; c’était un carreau sans tapis ; c’étaient des meubles qui appelaient l’attention et forçaient la vue de s’arrêter sur la pauvreté d’un faux luxe, toutes choses enfin qui rompaient par leurs tons criards l’harmonie si nécessaire à des yeux habitués à un ensemble élégant.

Madame de Morcerf vivait là depuis qu’elle avait quitté son hôtel ; la tête lui tournait devant ce silence éternel