Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/159

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Peu à peu tout le monde se réveilla. Villefort, de son cabinet, entendit les bruits successifs qui constituent pour ainsi dire la vie de la maison : les portes mises en mouvement, le tintement de la sonnette de madame de Villefort qui appelait sa femme de chambre, les premiers cris de l’enfant, qui se levait joyeux comme on se lève d’habitude à cet âge.

Villefort sonna à son tour. Son nouveau valet de chambre entra chez lui et lui apporta les journaux.

En même temps que les journaux, il apporta une tasse de chocolat.

— Que m’apportez-vous là ? demanda Villefort.

— Une tasse de chocolat.

— Je ne l’ai point demandée. Qui prend donc ce soin de moi ?

— Madame : elle m’a dit que monsieur parlerait sans doute beaucoup aujourd’hui dans cette affaire d’assassinat et qu’il avait besoin de prendre des forces.

Et le valet déposa sur la table dressée près du canapé, table, comme toutes les autres, chargée de papiers, la tasse de vermeil.

Le valet sortit.

Villefort regarda un instant la tasse d’un air sombre, puis tout à coup il la prit avec un mouvement nerveux, et avala d’un seul trait le breuvage qu’elle contenait. On eût dit qu’il espérait que ce breuvage était mortel et qu’il appelait la mort pour le délivrer d’un devoir qui lui commandait une chose bien plus difficile que de mourir. Puis il se leva et se promena dans son cabinet avec une espèce de sourire qui eût été terrible à voir si quelqu’un l’eût regardé.

Le chocolat était inoffensif, et M. de Villefort n’éprouva rien.