Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/162

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Son père alla à lui, le prit par le bras, et le baisa au front.

— Va, dit-il, mon enfant, va !

Édouard sortit.

M. de Villefort alla à la porte et la ferma derrière lui au verrou.

— Ô mon Dieu ! fit la jeune femme en regardant son mari jusqu’au fond de l’âme et en ébauchant un sourire que glaça l’impassibilité de Villefort, qu’y a-t-il donc ?

— Madame, où mettez-vous le poison dont vous vous servez d’habitude ? articula nettement et sans préambule le magistrat placé entre sa femme et la porte.

Madame de Villefort éprouva ce que doit éprouver l’alouette lorsqu’elle voit le milan resserrer au-dessus de sa tête ses cercles meurtriers.

Un son rauque, brisé, qui n’était ni un cri ni un soupir, s’échappa de la poitrine de madame de Villefort qui pâlit jusqu’à la lividité.

— Monsieur, dit-elle, je… je ne comprends pas.

Et, comme elle s’était soulevée dans un paroxysme de terreur, dans un second paroxysme plus fort sans doute que le premier, elle se laissa retomber sur les coussins du sofa.

— Je vous demandais, continua Villefort d’une voix parfaitement calme, en quel endroit vous cachiez le poison à l’aide duquel vous avez tué mon beau-père M. de Saint-Méran, ma belle-mère, Barrois et ma fille Valentine.

— Ah ! monsieur ! s’écria madame de Villefort en joignant les mains, que dites-vous ?

— Ce n’est point à vous de m’interroger, mais de répondre.

— Est-ce au mari ou au juge ? balbutia madame de Villefort.