Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/204

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une poussière d’étincelles. Maximilien s’accommoda dans son coin sans dire un seul mot.

Une demi-heure s’écoula ; la calèche s’arrêta tout à coup ; le comte venait de tirer le cordonnet de soie qui correspondait au doigt d’Ali.

Le Nubien descendit et ouvrit la portière.

La nuit étincelait d’étoiles. On était au haut de la montée de Villejuif, sur le plateau d’où Paris, comme une sombre mer, agite ses millions de lumières qui paraissent des flots phosphorescents ; flots en effet, flots plus bruyants, plus passionnés, plus mobiles, plus furieux, plus avides que ceux de l’Océan irrité, flots qui ne connaissent pas le calme comme ceux de la vaste mer, flots qui se heurtent toujours, écument toujours, engloutissent toujours !…

Le comte demeura seul, et sur un signe de sa main la voiture fit quelques pas en avant.

Alors il considéra longtemps, les bras croisés, cette fournaise où viennent se fondre, se tordre et se modeler toutes ces idées qui s’élancent du gouffre bouillonnant pour aller agiter le monde. Puis, lorsqu’il eut bien arrêté son regard puissant sur cette Babylone qui fait rêver les poètes religieux comme les railleurs matérialistes :

— Grande ville ! murmura-t-il en inclinant la tête et en joignant les mains comme s’il eût prié, voilà moins de six mois que j’ai franchi tes portes. Je crois que l’esprit de Dieu m’y avait conduit, il m’en ramène triomphant ; le secret de ma présence dans tes murs, je l’ai confié à ce Dieu qui seul a pu lire dans mon cœur ; seul il connaît que je me retire sans haine et sans orgueil, mais non sans regrets ; seul il sait que je n’ai fait usage ni pour moi, ni pour de vaines causes, de la puissance qu’il m’avait confiée. Ô grande ville ! c’est dans ton sein palpitant que j’ai