Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/221

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— Oui, monsieur, dit le concierge, et sur ce cachot même le guichetier Antoine m’en a transmis une.

Monte-Cristo tressaillit. Ce guichetier Antoine était son guichetier. Il avait à peu près oublié son nom et son visage ; mais, à son nom prononcé, il le revit tel qu’il était, avec sa figure cerclée de barbe, sa veste brune et son trousseau de clefs, dont il lui semblait encore entendre le tintement.

Le comte se retourna et crut le voir dans l’ombre du corridor, rendue plus épaisse par la lumière de la torche qui brûlait aux mains du concierge.

— Monsieur veut-il que je la lui raconte ? demanda le concierge.

— Oui, fit Monte-Cristo, dites.

Et il mit sa main sur sa poitrine pour comprimer un violent battement de cœur, effrayé d’entendre raconter sa propre histoire.

— Dites, répéta-t-il.

— Ce cachot, reprit le concierge, était habité par un prisonnier, il y a longtemps de cela, un homme fort dangereux, à ce qu’il paraît, et d’autant plus dangereux qu’il était plein d’industrie. Un autre homme habitait ce château en même temps que lui ; celui-là n’était pas méchant ; c’était un pauvre prêtre qui était fou.

— Ah ! oui, fou, répéta Monte-Cristo ; et quelle était sa folie ?

— Il offrait des millions si on voulait lui rendre la liberté.

Monte-Cristo leva les yeux au ciel, mais il ne vit pas le ciel : il y avait un voile de pierre entre lui et le firmament. Il songea qu’il y avait eu un voile non moins épais entre les yeux de ceux à qui l’abbé Faria offrait des trésors et ces trésors qu’il leur offrait.