Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/35

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à qui que ce fût au monde, elle s’habilla, et, vêtue avec la même simplicité que la veille, elle descendit l’escalier, sortit de l’hôtel, marcha jusqu’à la rue de Provence, monta dans un fiacre et se fit conduire à la maison de M. de Villefort.

Depuis un mois cette maison maudite présentait l’aspect lugubre d’un lazaret où la peste se serait déclarée ; une partie des appartements étaient clos à l’intérieur et à l’extérieur ; les volets, fermés, ne s’ouvraient qu’un instant pour donner de l’air ; on voyait alors apparaître à cette fenêtre la tête effarée d’un laquais ; puis la fenêtre se refermait comme la dalle d’un tombeau retombe sur un sépulcre, et les voisins se disaient tout bas :

— Est-ce que nous allons encore voir aujourd’hui sortir une bière de la maison de M. le procureur du roi ?

Madame Danglars fut saisie d’un frisson à l’aspect de cette maison désolée ; elle descendit de son fiacre, et, les genoux fléchissants, s’approcha de la porte fermée et sonna.

Ce ne fut qu’à la troisième fois qu’eut retenti le timbre, dont le tintement lugubre semblait participer lui-même à la tristesse générale, qu’un concierge apparut entre-bâillant la porte dans une largeur juste assez grande pour laisser passer ses paroles.

Il vit une femme, une femme du monde, une femme élégamment vêtue, et cependant la porte continua de demeurer à peu près close.

— Mais ouvrez donc ! dit la baronne.

— D’abord, madame, qui êtes-vous ? demanda le concierge.

— Qui je suis ? mais vous me connaissez bien !

— Nous ne connaissons plus personne, madame.

— Mais vous êtes fou, mon ami ! s’écria la baronne.

— De quelle part venez-vous ?