Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/39

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— Imposteur ! répéta Villefort ; décidément, madame, c’est un parti pris chez vous d’atténuer certaines choses et d’en exagérer d’autres ; imposteur, M. Andrea Cavalcanti, ou plutôt M. Benedetto ! Vous vous trompez, madame, M. Benedetto est bel et bien un assassin.

— Monsieur, je ne nie pas la justesse de votre rectification ; mais, plus vous vous armerez sévèrement contre ce malheureux, plus vous frapperez notre famille. Voyons, oubliez-le pour un moment ; au lieu de le poursuivre, laissez-le fuir.

— Vous venez trop tard, madame, les ordres sont déjà donnés.

— Eh bien ! si on l’arrête… Croyez-vous qu’on l’arrêtera ?

— Je l’espère.

— Si on l’arrête (écoutez, j’entends toujours dire que les prisons regorgent), eh bien ! laissez-le en prison.

Le procureur du roi fit un mouvement négatif.

— Au moins jusqu’à ce que ma fille soit mariée, ajouta la baronne.

— Impossible, madame ; la justice a des formalités.

— Même pour moi ? dit la baronne, moitié souriante, moitié sérieuse.

— Pour tous, répondit Villefort ; et pour moi-même comme pour les autres.

— Ah ! fit la baronne, sans ajouter en paroles ce que sa pensée venait de trahir par cette exclamation.

Villefort la regarda avec ce regard dont il sondait les pensées.

— Oui, je sais ce que vous voulez dire, reprit-il ; vous faites allusion à ces bruits terribles répandus dans le monde, que toutes ces morts qui, depuis trois mois m’habillent de deuil, que cette mort à laquelle vient,