Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/42

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profondément que les autres peut-être, eh bien ! depuis ce temps, j’ai secoué les vêtements d’autrui pour trouver l’ulcère, et je l’ai toujours trouvé, et je dirai plus, je l’ai trouvé avec bonheur, avec joie, ce cachet de la faiblesse ou de la perversité humaine.

Car chaque homme que je reconnaissais coupable, et chaque coupable que je frappais, me semblait une preuve vivante, une preuve nouvelle que je n’étais pas une hideuse exception ! Hélas, hélas, hélas ! tout le monde est méchant, madame, prouvons-le et frappons le méchant !

Villefort prononça ces dernières paroles avec une rage fiévreuse qui donnait à son langage une féroce éloquence.

— Mais, reprit madame Danglars essayant de tenter un dernier effort, vous dites que ce jeune homme est vagabond, orphelin, abandonné de tous ?

— Tant pis, tant pis, ou plutôt tant mieux ; la Providence l’a fait ainsi pour que personne n’eût à pleurer sur lui.

— C’est s’acharner sur le faible, monsieur.

— Le faible qui assassine !

— Son déshonneur rejaillirait sur ma maison.

— N’ai-je pas, moi, la mort dans la mienne ?

— Oh ! monsieur ! s’écria la baronne, vous êtes sans pitié pour les autres. Eh bien ! c’est moi qui vous le dis, on sera sans pitié pour vous !

— Soit ! dit Villefort, en levant avec un geste de menace son bras au ciel.

— Remettez au moins la cause de ce malheureux, s’il est arrêté, aux assises prochaines ; cela nous donnera six mois pour qu’on oublie.

— Non pas, dit Villefort ; j’ai cinq jours encore ; l’instruction est faite ; cinq jours, c’est plus de temps qu’il ne m’en faut ; d’ailleurs, ne comprenez-vous point, Madame,