Page:Dupuy - La vie d'Évariste Galois.djvu/10

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pas à mettre à la porte tous les élèves présents au banquet ; il décapita ainsi son collège[1].

Galois ne comptait pas encore parmi les tout premiers de sa classe à la fin de janvier 1824, puisqu’il ne fut pas expulsé. Peut-être même le prix et les trois accessits qu’il obtint à la distribution furent-ils dus en partie à ce bouleversement ; ils suffirent en tout cas pour attester que l’enfant avait fait honneur aux leçons de sa mère, et n’avait pas perdu les habitudes de travail régulier qu’elle lui avait données. Cependant, lorsqu’on sait la suite, il faut bien penser que ce qu’il vit à Louis-le-Grand pendant cette première année d’internat eut une influence décisive sur son caractère ; ce fut, sans doute, la première crise de sa vie d’enfant. Jusqu’alors il n’avait connu que dans les livres et les entretiens maternels les luttes et les sacrifices pour la liberté, les conjurations contre la tyrannie ; et voici qu’il venait de les trouver tout de suite réalisés dans ce monde, nouveau pour lui, du collège, d’où la crainte ne réussissait pas à écarter les souffles de la liberté, où l’étroitesse même des murs et les sévérités du règlement leur donnaient plus de force sur de jeunes âmes enivrées par les délices des premiers enthousiasmes. La sienne avait été trop bien préparée pour n’être pas aussitôt prise à ce qu’il y avait de généreux dans l’esprit de désordre qui régnait alors dans la plupart des collèges de Paris. C’est alors, j’en suis convaincu, que s’enracinèrent dans son cœur les sentiments qui firent la foi de sa vie : il est resté jusqu’à son dernier jour un Louis-le-Grand de 1824.

Cette crise morale ne ralentit pas d’ailleurs son travail : il releva encore son rang dans sa classe, et obtint, à la fin de la Troisième, le premier prix de vers latins et trois accessits ; un accessit de version grecque au Concours général le classa parmi les élèves sur lesquels le collège devait compter pour l’avenir. C’est en Seconde seulement que parurent les premières marques de lassitude et de dégoût pour le travail scolaire ; il n’eut que quatre accessits au lycée. Il avait probablement aussi été mal portant pendant l’année ; pour ménager sa santé et raffermir ses succès, le proviseur proposa de lui faire redoubler la

  1. Quicherat, Histoire de Sainte-Barbe.