Page:Dupuy - La vie d'Évariste Galois.djvu/11

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Seconde. D’après une lettre qu’il écrivit au père de Galois, il pensait surtout que l’enfant n’avait pas encore le jugement assez mûr, et n’estimait pas à leur juste valeur les prix et le Concours général : une nouvelle seconde lui ouvrirait les yeux sur ses véritables intérêts[1]. Je me permets de croire que le proviseur ne voyait pas le mal de Galois tel qu’il était, et n’en avait pas découvert le remède. C’était un très brave homme que le successeur de M. Berthot, M. Laborie ; mais il était assez borné. La Congrégation l’avait mis là surtout comme ancien chouan ; il avait tout juste un petit bout de grade pris avant la Révolution dans l’université de Perpignan ; il ne fallait pas lui demander autre chose que d’exécuter sa consigne rondement et sans faiblesse, en bon capitaine de gendarmerie ; quant à démêler ce qui se passait dans une tête comme celle d’Évariste, il en était tout à fait incapable ; en dehors de l’émulation, il ne voyait pas bien ce qui aurait pu déterminer un élève à travailler plutôt qu’à ne rien faire. Il ne s’apercevait pas qu’une sourde transformation s’opérait dans l’intelligence de Galois, que l’enfant était las des exercices scolaires où l’on prétendait enfermer l’activité de son esprit, et, au moment même où cette lassitude se manifestait à des signes certains, il prétendait lui faire piétiner une seconde fois la route où s’était endormi son ennui.

Le père résista tout d’abord, et, à la rentrée de 1826, Évariste entra en Rhétorique. Son travail y fut jugé médiocre, sa conduite dissipée, son esprit trop jeune pour profiter de la classe ; il fallut, en janvier, céder aux instances du proviseur : Évariste retourna en Seconde, dans la division de M. Saint-Marc-Girardin, et il y retrouva le succès, mais sans se donner aucune peine. Ses allures parurent des plus bizarres à son maître d’étude : si le sujet d’un devoir lui déplaisait, il le bâclait ou s’en dispensait ; pour les leçons, point de milieu : ou très bien sues ou pas du tout ; en réalité, il ne consacra que les quinze derniers jours de l’année aux facultés de sa classe. C’était sans doute assez pour son amour-propre puisque, outre un second prix de version grecque, il obtint des accessits dans les quatre autres facultés, et un accessit de version grecque au Concours. C’était beaucoup si l’on songe que cette

  1. Archives du Lycée Louis-le-Grand. (Voir Pièces justificatives p. 253.)