Page:Dupuy - La vie d'Évariste Galois.djvu/19

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Pour juger toute la différence qu’il y avait alors entre l’École Polytechnique et l’École préparatoire, il faut se rappeler que celle-ci n’existait que depuis trois ans : humble et pâle copie de l’ancienne École Normale supprimée en 1822, elle n’avait pas même d’existence propre en dehors du collège de Louis-le-Grand, dans lequel elle était logée, et dont elle avait le proviseur pour directeur. Depuis le ministère de M. de Vatimesnil elle avait, il est vrai, reçu un directeur des études, M. Guigniault, et d’une étude et d’un dortoir du collège elle avait été transférée dans ceux des bâtiments annexes du Plessis que n’occupaient pas des logements de professeurs ; mais la même elle n’était encore qu’un prolongement du collège où, sous une surveillance sévère, les aspirants au professorat devaient s’y préparer loin des bruits du dehors et à l’abri des passions qui agitaient le monde. Fort heureusement la réalité n’était pas tout à fait conforme à la lettre du règlement. Il est bien difficile qu’une réunion de jeunes gens volontairement appliqués à l’étude, si réduite et si bridée qu’elle soit, ne devienne pas un foyer de libéralisme ; mais en outre il est rare que les régimes condamnés par le sort omettent aucune des maladresses propres à gâter leurs affaires : l’École préparatoire n’était donc pas telle que l’avait rêvée son fondateur, Mgr Frayssinous. Par un choix d’une perspicacité douteuse ou d’une charmante et involontaire fantaisie, l’un des premiers bergers préposés à la garde du troupeau sans tache avait été Armand Marrast, un carbonaro, et il lui fallut un an pour devenir suspect. On me persuadera malaisément que cet élégant révolutionnaire se soit borné à distraire les élèves en leur chantant sur la guitare des airs pyrénéens ; sans doute il n’y a pas lieu de penser qu’une Vente de la Charbonnerie ait été fondée à l’École préparatoire comme à l’École Polytechnique, mais enfin il serait bien surprenant que, quatre ans avant 1830, le futur rédacteur en chef de la fougueuse Tribune n’ait pas semé sur son passage des germes qui fructifièrent après lui. On le vit bien d’ailleurs lorsque Guizot, Villemain, Cousin reparurent dans leurs chaires de la Faculté des Lettres, dont les élèves de l’École préparatoire suivaient nécessairement les cours. Ils n’eurent pas d’auditeurs plus fervents que ces jeunes gens recrutés par les inspecteurs généraux avec tant de soins méticuleux, tant de garanties de leurs principes, tant de preuves de leur attachement à la religion et