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quable. Il m’a communiqué des remarques neuves sur l’Analyse appliquée. » Mais M. Péclet, qui l’examina sur la Physique, se fâcha tout à fait : « C’est le seul élève, déclara-t-il, qui m’ait mal répondu ; il ne sait absolument rien. » Jusqu’ici rien d’étonnant, puisque Galois n’avait rien fait dans la classe de M. Thillaye ; mais, où l’on ne peut s’empêcher de sourire, c’est quand on voit M. Péclet ajouter : « On m’a dit que cet élève avait de la capacité en Mathématiques ; cela m’étonne beaucoup ; car d’après son examen je lui crois peu d’intelligence, ou du moins il l’a tellement cachée qu’il m’a été impossible de la découvrir ; si cet élève est réellement ce qu’il m’a paru être, je doute fort qu’on en fasse jamais un bon professeur[1]. »

Il ne faudrait pas, je crois, abuser de la franchise de cette note contre la mémoire de M. Péclet : Galois avait l’habitude de travailler presque uniquement de tête, et, même en Mathématiques, il se trouvait embarrassé dès qu’il fallait répondre au tableau. Mais, en même temps que cette gêne, il y avait chez lui un dédain trop peu déguisé pour quiconque ne s’inclinait pas spontanément et immédiatement devant sa supériorité, une rébellion contre un jugement que, dans son for intérieur, il récusait par avance, et comme un plaisir maladif à égarer davantage encore ce jugement et à le retourner tout à fait contre soi. C’est, en effet, un trait fréquent chez les personnes qui croient avoir le plus à se plaindre de la persécution qu’elles s’en passeraient difficilement et qu’au besoin elles la provoquent ; c’est aussi une façon de se moquer des gens, et non la moins savoureuse, que de se faire passer à leurs yeux pour un sot. Il y avait de tout cela chez Galois ; on en retrouve la marque dans ses procès politiques ; et je ne serais pas autrement surpris qu’il eût tendu à M. Péclet un piège, où d’ailleurs il risquait de trébucher lui-même. Cette fois il s’en tira, fut définitivement admis et signa, le 20 février 1830, l’engagement décennal qui le liait à l’Université[2].

À l’École préparatoire Galois ne changea rien aux procédés de travail qui avaient tant indisposé contre lui l’administration du collège de Louis-le-Grand ; il ne cachait pas son dédain pour ses maîtres, sui-

  1. Archives de l’École Normale.
  2. Archives de l’École Normale.