Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/165

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dans ses Neuspanien[1] que, chez les peuples barbares, on trouve plutôt une physionomie propre à la horde que des physionomies individuelles, et le fait a été confirmé par un grand nombre d’observateurs. « De même que les Romains trouvaient entre les vieux Germains de très grandes ressemblances, les soi-disant sauvages produisent le même effet à l’Européen civilisé. À vrai dire, le manque d’exercice peut être souvent la cause principale qui détermine le voyageur à un tel jugement ; … cependant, cette inexpérience ne pourrait que difficilement produire cette conséquence si les différences auxquelles l’homme civilisé est accoutumé dans son milieu natal n’étaient réellement pas plus importantes que celles qu’il rencontre chez les peuples primitifs. Bien connue et souvent citée est cette parole d’Ulloa, que qui a vu un indigène d’Amérique les a tous vus[2]. » Au contraire, chez les peuples civilisés, deux individus se distinguent l’un de l’autre au premier coup d’œil et sans qu’une initiation préalable soit pour cela nécessaire.

Le Dr Lebon a pu établir d’une manière objective cette homogénéité croissante à mesure qu’on remonte vers les origines. Il a comparé les crânes appartenant à des races et à des sociétés différentes, et il a trouvé « que les différences de volume du crâne existant entre individus de même race… sont d’autant plus grandes que la race est plus élevée dans l’échelle de la civilisation. Après avoir groupé les volumes des crânes de chaque race par séries progressives, en ayant soin de n’établir de comparaisons que sur des séries assez nombreuses pour que les termes en soient reliés d’une façon graduelle, j’ai reconnu, dit-il, que la différence de volume entre les crânes masculins adultes les plus grands et les crânes les plus petits est en nombre rond de 200 centimètres cubes chez le gorille, de 280 chez les parias de l’Inde, de 310 chez les Australiens, de 350 chez les anciens Égyptiens, de 470 chez les Parisiens du XIIe siècle, de 600 chez

  1. I, p. 116.
  2. Waitz, Anthropologie der Naturvoellker, I, p. 75-76.