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IV

LES FAITS DE LA GUERRE EXPLIQUÉS PAR CETTE MENTALITÉ


On s’explique maintenant comment l’Allemagne a pu se rendre coupable des actes dont elle est accusée : ils sont l’application logique des idées qui précèdent.


La Violation de la neutralité belge et des conventions de La Haye. ― Quand on admet l’étrange conception du droit international qui vient d’être exposée, la violation de la neutralité belge apparaît comme un acte parfaitement licite et naturel. L’Allemagne ne pouvait éprouver de scrupules à violer le traité qu’elle avait signé, du moment où elle ne reconnaît pas de force obligatoire aux contrats internationaux qu’elle souscrit. Voilà ce qui donne tout son sens au langage que M. de Bethmann-Hollweg tint, le 4 août 1914, à l’ambassadeur d’Angleterre, Sir E. Goschen, quand il osa déclarer que la neutralité belge n’était qu’ « un mot », que les traités qui la garantissaient n’étaient que « chiffons de papier ». Ces expressions n’étaient pas de simples boutades, arrachées au Chancelier par la colère et le dépit : elles traduisaient un sentiment réellement éprouvé, une vérité qui lui paraissait aller de soi. Quand l’Allemagne traite avec d’autres États, elle ne se sent pas réellement et efficacement liée par les engagements qu’elle prend.

Ce principe, une fois connu, ôte toute valeur au prétexte par lequel le gouvernement allemand essaya, plus tard, de justifier son crime quand il allégua qu’il avait été contraint d’envahir la Belgique pour devancer la France qui se préparait à en faire autant[1]. Aussi bien, pendant longtemps, ne

  1. Est-il besoin de réfuter une fois de plus cette accusation calomnieuse ? Rappelons seulement que, le 1er août 1914, la France, sur la demande de l’Angleterre, s’engagea solennellement à respecter la neutralité belge et que l’Allemagne, également interrogée, refusa de prendre le même engagement. Les deux États avaient donc, à la veille même de la guerre, manifesté leurs intentions respectives de manière à ne laisser place à aucun doute.