Page:Durkheim - L'Allemagne au-dessus de tout.djvu/40

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donna-t-il cette excuse qu’à titre complémentaire et surérogatoire. C’était le moment où le Chancelier de l’empire, revendiquant fièrement le principe de Treitschke, affirmait à la tribune du Reichstag qu’il n’y a pas de devoir contre la nécessité, Not hat kein Gebot. Et Harnack, historien du christianisme, ne craignait pas de renchérir encore sur ce cynisme officiel quand, s’adressant aux notabilités du protestantisme anglais, il écrivait : « Notre Chancelier, avec la haute conscience qui le caractérise, a reconnu qu’il s’agissait là d’un évident déni de droit. Je ne puis, pour ma part, le suivre et reconnaître là un déni formel de droit ; car nous étions dans une situation où il ne subsiste réellement plus de forme, mais seulement des devoirs moraux… Il y a un droit de nécessité qui brise le fer, encore bien plus un contrat[1]. » Plus tard, comme le succès foudroyant sur lequel on avait compté pour se faire amnistier ne s’était pas produit, on sentit le besoin de tenir un langage moins brutal et de ménager davantage la conscience publique ; mais c’est dans ces aveux primitifs qu’il faut aller chercher la raison véritable qui détermina l’Allemagne.

C’est naturellement le même principe qui explique les innombrables violations des conventions de La Haye que le gouvernement allemand a commises sans même daigner s’en disculper[2].


Les petits États menacés dans leur existence. ― Mais, en se jetant sur la Belgique, l’Allemagne n’entendait pas seulement s’assurer, en dépit des traités, une route plus rapide

  1. La traduction est empruntée à la Semaine littéraire, numéro du 10 octobre 1914.
  2. Violation de l’article interdisant les peines collectives, de l’article prohibant les bombardements de villes ouvertes sans avertissement préalable et d’œuvres d’art sans nécessités stratégiques, l’emploi de gaz asphyxiants, la mise à mort des blessés, etc.