Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

née par les prêtres, ils pouvaient, du moins, en expliquer la persistance par l’intérêt que la caste sacerdotale avait à tromper les foules. Mais si les peuples eux-mêmes ont été les artisans de ces systèmes d’idées erronées en même temps qu’ils en étaient les dupes, comment cette duperie extraordinaire a-t-elle pu se perpétuer sans toute la suite de l’histoire ?

On doit même se demander si, dans ces conditions, le mot de science des religions peut être employé sans impropriété. Une science est une discipline qui, de quelque manière qu’on la conçoive, s’applique toujours à une réalité donnée. La physique et la chimie sont des sciences, parce que les phénomènes physico-chimiques sont réels et d’une réalité qui ne dépend pas des vérités qu’elles démontrent. Il y a une science psychologique parce qu’il y a réellement des consciences qui ne tiennent pas du psychologue leur droit à l’existence. Au contraire, la religion ne saurait survivre à la théorie animiste, du jour ou celle-ci serait reconnue comme vraie par tous les hommes ; car ils ne pourraient pas ne pas se déprendre des erreurs dont la nature et l’origine leur seraient ainsi révélées. Qu’est-ce qu’une science dont la principale découverte consisterait à faire évanouir l’objet même dont elle traite ?