Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Spencer et Gillen des churinga, et, suivant Strehlow, des tjurunga[1]. Ce sont des pièces de bois ou des morceaux de pierre polie, de formes très variées, mais généralement ovales ou allongées[2]. Chaque groupe totémique en possède une collection plus ou moins importante. Or, sur chacun d’eux, se trouve gravé un dessin qui représente le totem de ce même groupe[3]. Un certain nombre de ces churinga sont percés, à l’une de leurs extrémités, d’un trou par lequel passe un fil, fait de cheveux humains ou de poils d’opossum. Ceux de ces objets qui sont en bois et qui sont percés de cette manière servent exactement aux mêmes fins que ces instruments du culte auxquels les ethnographes anglais ont donné le nom de bull-roarers. Au moyen du lien auquel ils sont suspendus, on les fait rapidement tournoyer dans l’air de manière à produire une sorte de ronflement identique à celui que font entendre les diables qui servent encore aujourd’hui de jouets à nos enfants ; ce bruit assourdissant a une signification rituelle et accompagne toutes les cérémonies de quelque importance. Ces sortes de churinga sont donc de véritables bull-roarers. Mais il en est d’autres qui ne sont pas en bois ou qui ne sont pas percés ; par conséquent, ils ne peuvent être employés de cette manière. Ils inspirent cependant les mêmes sentiments de respect religieux.

Tout churinga, en effet, à quelque fin qu’il soit employé, compte parmi les choses les plus éminemment sacrées, il n’en est même aucune qui le dépasse en dignité religieuse. C’est déjà ce qu’indique le mot qui sert à le désigner. En même temps qu’un substantif, c’est aussi un adjectif qui signifie sacré. Ainsi, parmi les noms que porte chaque

  1. D’autres noms sont employés dans les autres tribus. Nous donnons un sens générique au terme Arunta parce que c’est dans cette tribu que les churinga tiennent le plus de place et ont été le mieux étudiés.
  2. Strehlow, II, p. 81.
  3. Il y en a quelques-uns, mais en petit nombre, qui ne portent aucun dessin apparent (v. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 144).