Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/180

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aux hommes force, courage, persévérance, déprime, au contraire, et affaiblit leurs ennemis. Cette dernière croyance est même si fortement enracinée que si, quand deux combattants sont aux prises, l’un d’eux vient à s’apercevoir que son adversaire porte des churinga sur lui, il perd aussitôt confiance et sa défaite est certaine[1]. Aussi n’y a-t-il pas d’instrument rituel qui tienne une place plus importante dans les cérémonies religieuses[2]. Par des sortes d’onctions, on communique leurs pouvoirs soit aux officiants soit aux assistants ; pour cela après les avoir enduits de graisse, on les frotte contre les membres, contre l’estomac des fidèles[3]. Ou bien on les recouvre d’un duvet qui s’envole et se disperse dans toutes les directions quand on les fait tournoyer ; c’est une manière de disséminer les vertus qui sont en eux[4].

Mais ils ne sont pas seulement utiles aux individus ; le sort du clan tout entier est collectivement lié au leur. Leur perte est un désastre ; c’est le plus grand malheur qui puisse arriver au groupe[5]. Ils quittent quelquefois l’ertnatulunga, par exemple quand ils sont prêtés à quelque groupe étranger[6]. C’est alors un véritable deuil public. Pendant deux semaines, les gens du totem pleurent, se lamentent, le corps enduit de terre d’argile blanche, comme ils font quand ils ont perdu quelqu’un de leurs proches[7]. Aussi les churinga ne sont-ils pas laissés à la libre disposition des particuliers ; l’ertnatulunga où ils

  1. Nat. Tr., p. 135 ; Strehlow, II, p. 79.
  2. North. Tr., p. 278.
  3. Ibid., p. 180.
  4. Ibid., p. 272-273.
  5. Nat. Tr., p. 135.
  6. Un groupe emprunte à un autre ses churinga, dans cette pensée que ces derniers lui communiqueront quelque chose des vertus qui sont en eux, que leur présence rehaussera la vitalité des individus et de la collectivité (Nat, Tr., p. 158 et suiv.).
  7. Ibid., p. 136.