Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/184

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tage d’un seul et unique modèle. Réduit à ses éléments les plus essentiels, il consiste, lui aussi, en un support vertical, qui est formé par un bâton long de plus d’un pied ou par une lance de plusieurs mètres de haut, et qui est coupé tantôt par une, tantôt par deux pièces transversales[1]. Dans le premier cas, il a l’aspect d’une croix. Des cordons faits soit avec ces cheveux humains soit avec de la fourrure d’opossum ou de bandicoot traversent en diagonales l’espace compris entre les bras de la croix et les extrémités de l’axe central ; ils sont serrés les uns contre les autres et constituent ainsi un réseau qui a la forme d’un losange. Quand il y a deux barres transversales, ces cordons vont de l’une à l’autre et, de là, au sommet et à la base du support. Ils sont quelquefois recouverts d’une couche de duvet assez épaisse pour les dissimuler aux regards. Le Waninga a ainsi l’aspect d’un véritable drapeau[2].

Or le nurtunja et le waninga, qui figurent dans une multitude de rites importants, sont l’objet d’un respect religieux, tout à fait semblable à celui qu’inspirent les churinga. On procède à leur confection et à leur érection avec la plus grande solennité. Fixés en terre ou portés par un officiant, ils marquent le point central de la cérémonie : c’est autour d’eux qu’ont lieu les danses et que les rites se développent. Au cours de l’initiation, on mène le novice au pied d’un nurtunja qui a été érigé pour la circonstance. « Voilà, lui dit-on, le nurtunja de ton père ; il a déjà servi à faire bien des jeunes hommes. » Après quoi, l’initié doit

  1. Quelquefois, ces barres transversales sont au nombre de trois.
  2. Nat. Tr., p. 231-234, 306-310, 627. Outre le nurtunja et le waninga, Spencer et Gillen distinguent une troisième sorte de poteau ou drapeau sacré, c’est le kauaua (Nat. Tr., p. 364, 370, 629) dont ils avouent franchement, d’ailleurs, n’avoir pu déterminer exactement les fonctions. Ils notent seulement que le kauaua « est regardé comme quelque chose de commun aux membres de tous les totems ». Mais suivant Strehlow (III, p. 23, n. 2, le kauaua dont parlent Spencer et Gillen, serait simplement le nurtunja du totem du Chat sauvage. Comme cet animal est l’objet d’un culte tribal, on s’explique que la vénération dont est l’objet son nurtunja soit commune à tous les clans.