Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contrecoup[1]. Si l’animal meurt, la vie de l’homme est menacée. Aussi est-ce une règle très générale que l’on ne doit pas tuer l’animal ni surtout en manger la chair. L’interdiction qui, quand il s’agit du totem de clan, comporte toute sorte d’atténuations et de tempéraments, est ici beaucoup plus formelle et absolue[2].

De son côté, l’animal protège l’homme et lui sert, en quelque sorte, de patron. Il l’avertit des dangers possibles et des moyens d’y échapper[3] ; on dit qu’il est son ami[4]. Même, comme il passe souvent pour posséder des pouvoirs merveilleux, il les communique à son associé humain. Celui-ci se croit à l’épreuve des balles, des flèches, des coups de toute sorte[5]. La confiance qu’a l’individu dans l’efficacité de son protecteur est même telle qu’il brave les plus grands dangers et accomplit des prouesses déconcertantes avec une sereine intrépidité : la foi lui donne le courage et la force nécessaires[6]. Toutefois, les relations de l’homme avec son patron ne sont pas de pure et simple dépendance. L’individu, de son côté, peut agir sur l’aimal. Il lui donne des

  1. Langloh Parker, op. cit., p. 20. Il en est de même chez certains Salish (Hill Tout, Ethn. Rep. on the Stseelis and Skeulits Tribes, J.A.I., XXXIV, p. 324). Le fait est général chez les Indiens de l’Amérique centrale (Brinton, Nagualism a Study in Native American Folklore and History, in Proceedings of the American Philosophical Society, xxxiii, p. 32).
  2. Parker, ibid. ; Howitt, Nat. Tr., p. 147 ; Dorsey, Siouan Cults, XIth Rep., p. 443. Frazer a fait, d’ailleurs, le relevé des cas américains et a établi la généralité de l’interdiction (Totemism a. Exogamy, III, p. 450). Nous avons vu, il est vrai, que, en Amérique, l’individu devait commencer par tuer l’animal dont la peau servait à faire ce que les ethnographes appellent un sac-médecine. Mais cet usage n’a été observé que dans cinq tribus ; c’est probablement une forme altérée et tardive de l’institution.
  3. Howitt, Nat. Tr., p. 135, 147, 387 ; Austral. Medicine Men, J.A.I., XVI, p. 34 ; Teit, The Shuswap, p. 607.
  4. {sc|Meyer}}, Manners and Customs of the Aborigines of the Encounter Bay Tribe, in Woods, p. 197.
  5. Boas, VIth Rep. on the North-West Tribes of Canada, p. 93 ; Teit, The Thompson Indiana, p. 336 ; Boas, Kwakiutl, p. 394.
  6. On trouvera des faits dans Hill Tout, Rep. of the Ethnol. of the Statlumh, J.A.I., XXXV, p. 144, 145. Cf. Lengloh O Parker, op. cit., p. 29.