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Chapitre V

ORIGINE DES CROYANCES

I. — Examen critique des théories

Les croyances que nous venons de passer en revue sont de nature manifestement religieuse, puisqu’elles impliquent une classification des choses en sacrées et en profanes. Sans doute, il n’y est pas question d’êtres spirituels, et, dans le cours de notre exposé, nous n’avons même pas eu à prononcer les mots d’esprits, de génies, de personnalités divines. Mais si, pour cette raison, quelques écrivains, dont nous allons, d’ailleurs, avoir à reparler, se sont refusés à voir dans le totémisme une religion, c’est qu’ils se sont fait du phénomène religieux une notion inexacte.

D’autre part, nous avons l’assurance que cette religion est la plus primitive qui soit actuellement observable, et même, selon toute vraisemblance, qui ait jamais existé. Elle est, en effet, inséparable de l’organisation sociale à base de clans. Non seulement, comme nous l’avons montré, on ne peut la définir qu’en fonction de cette dernière, mais il ne semble pas que le clan, sous la forme qu’il a dans un très grand nombre de sociétés australiennes, ait pu exister sans le totem. Car les membres d’un même clan ne sont unis les uns aux autres ni par la communauté de l’habitat ni par celle du sang, puisqu’ils ne sont pas nécessairement consanguins et qu’ils sont souvent dispersés sur des points différents du territoire tribal. Leur unité vient donc uniquement de ce qu’ils ont un même nom et un