Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/301

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familiers qu’ils passent inaperçus : on ne les remarque pas et, par conséquent, on n’éprouve pas le besoin d’en rendre compte. Le concept de mana ne s’applique qu’à ceux qui ont assez d’importance pour attirer la réflexion, pour éveiller un minimum d’intérêt et de curiosité ; mais ils ne sont pas merveilleux pour autant. Et ce qui est vrai du mana comme de l’orenda ou du wakan peut être dit également du principe totémique. C’est par lui que se maintient la vie des gens du clan, des animaux ou des plantes de l’espèce totémique, comme de toutes les choses qui sont classées sous le totem et qui participent de sa nature.

La notion de force est donc d’origine religieuse. C’est à la religion que la philosophie d’abord, les sciences ensuite l’ont empruntée. C’est déjà ce qu’avait pressenti Comte et c’est pourquoi il faisait de la métaphysique l’héritière de la « théologie ». Seulement, il en concluait que l’idée de force est destinée à disparaître de la science ; car, en raison de ses origines mystiques, il lui refusait toute valeur objective. Nous allons montrer, au contraire, que les forces religieuses sont réelles, si imparfaits que puissent être les symboles à l’aide desquels elles ont été pensées. D’où il suivra qu’il en est de même du concept de force en général.