Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/319

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ralement lieu la nuit, au milieu de ténèbres que perce, çà et là, la lumière des feux, on se représentera aisément quel effet doivent produire de semblables scènes sur l’esprit de tous ceux qui y participent. Elles déterminent une si violente surexcitation de toute la vie physique et mentale qu’elle ne peut être supportée très longtemps : l’acteur qui tient le principal rôle finit par tomber épuisé sur le sol[1].

Voici au surplus, pour illustrer et préciser ce tableau forcément schématique, le récit de quelques scènes que nous empruntons à Spencer et Gillen.

Une des solennités religieuses les plus importantes chez les Warramunga est celle qui concerne le serpent Wollunqua. C’est une série de cérémonies qui se développent sur plusieurs jours. Au quatrième, à lieu celle que nous allons décrire.

Suivant le cérémonial usité chez les Warramunga, des représentants des deux phratries y prennent part, les uns en qualité d’officiants, les autres comme préparateurs et assistants. Seuls, des gens de la phratrie Uluuru ont qualité pour célébrer le rite ; mais ce sont des membres de la phratrie Kingilli qui doivent décorer les acteurs, préparer l’emplacement, les instruments, et jouer le rôle de l’assemblée. À ce titre, ils sont chargés de confectionner par avance, avec du sable mouillé, une sorte de monticule sur lequel est exécuté, au moyen du duvet rouge, un dessin qui figure le serpent Wollunqua. La cérémonie proprement dite, à laquelle assistèrent Spencer et Gillen, ne commença qu’une fois la nuit arrivée. Vers dix ou onze heures du soir, Uluuru et Kingilli arrivèrent sur le terrain ; ils s’assirent sur le tertre et ils se mirent à chanter. Ils étaient tous dans un état d’évidente surexcitation (every one was evidently very excited). Un peu plus tard dans la soirée,

  1. Howitt, Nat. Tr., p. 535, 545. Le fait est d’une extrême généralité.