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naturellement enclin à leur prêter des dimensions énormes et un aspect repoussant[1]. Tout comme les âmes des ancêtres, ils sont censés habiter des arbres, des rochers, des trous d’eau, des cavernes souterraines[2]. Beaucoup nous sont représentés comme des âmes de personnes qui ont vécu d’une vie terrestre[3]. Pour ce qui est des Arunta en particulier, Spencer et Gillen disent expressément que ces mauvais génies, connus sous le nom d’Oruncha, sont des êtres de l’Alcheringa[4]. Parmi les personnages de l’époque fabuleuse, il y en avait, en effet, de tempéraments différents : certains avaient des instincts cruels et méchants qu’ils gardent toujours[5] ; d’autres étaient naturellement d’une mauvaise constitution ; ils étaient maigres et décharnés ; aussi, quand ils s’enfoncèrent dans le sol, les rochers nanja auxquels ils donnèrent naissance furent-ils considérés comme des foyers de dangereuses influences[6].

Seulement, ils se distinguent de leurs congénères, les héros de l’Alcheringa, par des caractères particuliers. Ils ne se réincarnent pas ; parmi les hommes vivants, il n’y en a jamais qui les représentent ; ils sont sans postérité

  1. Eylmann, p. 182.
  2. Mathews, Journ. of R. S. of N. S. Wales, XXXVIII, p. 345 ; Fison et Howitt, Kamilaroi a. Kurnai, p. 467 ; Strehlow, I, p. 11.
  3. Roth, Superstition, etc., § 115 ; Eylmann, p. 190.
  4. Nat. Tr., p. 390-391. Strehlow appelle Erintja les mauvais esprits ; mais ce mot et celui d’Oruncha sont évidemment équivalents. Cependant, il y a une différence dans la manière dont les uns et les autres nous sont présentés. Les Oruncha, d’après Spencer et Gillen, seraient plus malicieux que méchants ; même, suivant ces observateurs (p. 328), les Arunta ne connaîtraient pas d’esprits foncièrement malveillants. Au contraire, les Erintja de Strehlow ont pour fonction régulière de faire du mal. D’ailleurs, d’après certains mythes que Spencer et Gillen rapportent eux-mêmes (Nat. Tr., p. 390), il semble bien qu’ils aient quelque peu embelli la physionomie des Oruncha : primitivement, c’étaient des sortes d’ogres (ibid., p. 331).
  5. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 390-391.
  6. Ibid., p. 551.