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humaine[1]. Quand, à certains signes, on croit qu’un enfant est le produit de leurs œuvres, on le met à mort aussitôt qu’il est né[2]. D’autre part, ils ne ressortissent à aucun centre totémique déterminé ; ils sont en dehors des cadres sociaux[3]. À tous ces traits, on reconnaît que ce sont des puissances beaucoup plus magiques que religieuses. Et en effet, c’est surtout avec le magicien qu’ils sont en rapports ; c’est d’eux que, très souvent, il tient ses pouvoirs[4]. Nous sommes donc parvenus ici au point où finit le monde de la religion et où commence celui de la magie ; et comme ce dernier est en dehors de notre recherche nous n’avons pas à pousser plus loin cette étude[5].

III

L’apparition de la notion d’esprit marque un important progrès dans l’individualisation des forces religieuses.

Toutefois, les êtres spirituels dont il a été jusqu’à présent question ne sont encore que des personnages secondaires. Ou bien ce sont des génies malfaisants qui relèvent de la magie plus que de la religion ; ou bien, attachés à un individu et à un endroit déterminés, ils ne peuvent faire sentir leur influence que dans un cercle de rayon très limité. Ils ne peuvent donc être l’objet que de rites privés et

  1. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 326-327.
  2. Strehlow, I, p. 14. Quand il y a deux jumeaux, le premier né passe pour avoir été conçu de cette manière.
  3. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 327.
  4. Howitt, Nat. Tr., p. 358, 381, 385 ; Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 334 ; North. Tr., p. 501, 530.
  5. Comme le magicien peut ou causer la maladie ou la guérir, à côté des esprits magiques dont la fonction est de faire le mal, il y en a parfois d’autres dont le rôle est de prévenir ou de neutraliser la mauvaise influence des premiers. On trouvera des cas de ce genre dans North. Tr., p. 501-502. Ce qui montre bien que les seconds sont magiques comme les premiers, c’est que, chez les Arunta, les uns et les autres portent le même nom. Ce sont donc des aspects différents d’une même puissance magique.