Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joue pour elle le rôle d’une sorte de Providence. C’est lui qui approvisionné ses fidèles de tout ce qui est nécessaire à leur existence[1]. Il est en communication avec eux soit directement, soit par intermédiaires[2]. Mais en même temps, gardien de la morale tribale, il sévit quand elle est violée[3]. Si même on s’en rapporte à certains observateurs, il remplirait, après la vie, l’office de juge ; il distinguerait entre les bons et les méchants et ne traiterait pas les uns comme les autres[4]. En tout cas, il est souvent présenté comme préposé au pays des morts[5], et comme accueillant les âmes quand elles arrivent dans l’au-delà[6].

Comme l’initiation est la forme principale du culte tribal, ce sont les rites de l’initiation qui lui sont le plus spécialement rattachés ; il en est le centre. Très souvent, il y est représenté par une image taillée dans une écorce d’arbre ou moulée dans la terre. On danse tout autour ; on chante en son honneur ; on lui adresse même de véritables prières[7]. On explique aux jeunes gens quel est le personnage que cette image figure ; on leur dit son nom secret, celui que les femmes et les non-initiés doivent ignorer ; on leur raconte son histoire, le rôle que la tradition lui attribue dans la vie de la tribu. À d’autres moments, on lève les mains vers le ciel où il est censé résider ; ou bien on pointe dans la même direction soit les armes soit les instruments rituels qu’on manie[8] ; c’est une façon de se mettre en communication avec lui. On le sent partout présent. Il veille sur le néophyte tandis qu’il

  1. Ridley, Kamilaroi, p. 136 ; L. Parker, The Euahlayi, p. 114.
  2. L. Parker, More Austr. Leg. Tales, p. 84-99, 90-91.
  3. Howitt, Nat. Tr., p. 495, 498, 543, 563, 564 ; Brough Smyth, I, p. 429 ; L. Parker, The Euahlayi, p. 79.
  4. Ridley, p. 137.
  5. L. Parker, The Euahlayi, p. 90-91.
  6. Howitt, Nat. Tr., p. 495 ; Taplin, The Narrinyeri, p. 58.
  7. Howitt, Nat. Tr., p. 588, 543, 553, 555, 556 ; Mathews, loc. cit. p. 318 ; L. Parker, The Euahlayi, p. 6, 79, 80.
  8. Howitt, Nat. Tr., p. 498, 528.