Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/424

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Mais les faits ne comportent ni l’hypothèse sceptique de Tylor ni interprétation théologique de Lang.

Tout d’abord, il est aujourd’hui certain que les idées relatives au grand dieu tribal sont d’origine indigène. Elles ont été observées alors que l’influence des missionnaires n’avait pas encore eu le temps de se faire sentir[1]. Mais il ne s’ensuit pas qu’il faille les attribuer à une mystérieuse révélation. Bien loin qu’elles dérivent d’une autre source que les croyances proprement totémiques, elles n’en sont, au contraire, que l’aboutissement logique et la forme la plus haute.

Nous avons vu, en effet, que la notion des ancêtres mythiques est impliquée dans les principes mêmes sur lesquels repose le totémisme ; car chacun d’eux est un être totémique. Or, si les grands dieux leur sont certainement supérieurs, cependant il n’y a, entre les uns et les autres, que des différences de degrés ; on passe des premiers aux seconds sans solution de continuité. Un grand dieu, en effet, est lui-même un ancêtre d’une importance particulière. On nous parle souvent de lui comme d’un homme, doué sans doute de pouvoirs plus qu’humains, mais qui a

  1. V. sur cette question N. W. Thomas, Baiame and Bell-bird. A note on Australian Religion, in Man, 1905, n° 28. Cf. Lang, Magic and Religion, p. 25. Waitz avait déjà soutenu le caractère original de cette conception dans Anthropologie d. Naturvölker, p. 796-798.