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qu’il possède, tout ce qu’il touche est interdit aux femmes et soustrait à leur contact, même l’oiseau qu’il a frappé de son bâton, le kangourou qu’il a percé de sa lance, le poisson qui a mordu à son hameçon[1]. Mais d’un autre côté, les rites auxquels il est soumis et les choses qui y jouent un rôle sont d’une sainteté supérieure à la sienne : cette sainteté se transmet contagieuse ment à tout ce qui évoque l’idée des unes ou des autres. La dent qui lui a été arrachée est considérée comme très sainte[2]. Pour cette raison, il ne peut manger d’animaux qui ont des dents proéminentes parce qu’ils font penser à la dent extraite. Les cérémonies du Kuringal se terminent par un lavage rituel[3] ; les oiseaux aquatiques sont interdits au néophyte parce qu’ils rappellent ce rite. Les animaux qui grimpent au faîte des arbres lui sont également sacrés, parce qu’ils sont trop voisins de Daramulun, dieu de l’initiation, qui vit dans les cieux[4]. L’âme du mort est un être sacré : nous avons vu déjà que la même propriété passe au corps où cette âme a résidé, à l’endroit où il est enseveli, au camp où le vivant a habité et que l’on détruit ou que l’on quitte, au nom qu’il a porté, à sa femme et à ses parents[5]. Ils sont comme investis, eux aussi, d’un caractère sacré ; par suite on se tient à distance d’eux ; on ne les traite pas comme de simples profanes. Dans les sociétés observées par Dawson, leurs noms, tout comme celui du mort, ne peuvent être prononcés durant la période de deuil[6]. Cer-

  1. Howitt, ibid., p. 674-675.
  2. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 454. Cf. Howitt, Nat. Tr., p. 561.
  3. Howitt, Nat. Tr., p. 557.
  4. Howitt, Ibid., p. 560.
  5. V. plus haut, p. 433, 436. Cf. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 498 ; North. Tr., p. 506, 507, 518-519, 526 ; Howitt, Nat. Tr., p. 449, 461, 469 ; Mathews, in Journ. R. S. of N. S. Wales, XXXVIII, p. 274 ; Schulze, loc. cit., p. 231 ; Wyatt, Adelaide and Encounter Bay Tribes, in Woods, p. 165, 198.
  6. Australian Aborigines, p. 42.