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Il y a même un cas chez les Arunta où le sang paraît être le principe actif du rite. Dans le groupe de l’Émou, on n’emploie pas de pierres sacrées ni rien qui y ressemble. L’Alatunja et quelques-uns de ses assistants arrosent le sol de leur sang ; sur la terre ainsi imbibée, on trace des lignes, de diverses couleurs, qui représentent les différentes parties du corps de l’émou. On s’agenouille autour de ce dessin et l’on chante un chant monotone. C’est de l’émou fictif ainsi incanté et, par conséquent, du sang qui a servi à le faire, que sont censés partir les principes vivants qui, en animant les embryons de la génération nouvelle, empêcheront l’espèce de disparaître[1].

Chez les Wonkgongaru[2], il y a un clan qui a pour totem une certaine sorte de poisson ; c’est également le sang qui joue le rôle principal dans l’Intichiuma de ce totem. Le chef du groupe, après s’être peint cérémoniellement, entre dans un trou d’eau et s’y assoit. Puis, avec de petits os pointus, il se perce successivement le scrotum et la peau autour du nombril. « Le sang qui coule de ces différentes blessures se répand dans l’eau et donne naissance aux poissons[3] ».

C’est par une pratique tout à fait similaire que les Dieri croient assurer la reproduction de deux de leurs totems, le serpent tapis et le serpent woma (serpent ordinaire). Un Mura-mura appelé Minkani est censé résider sous une dune. Son corps est représenté par des ossements fossiles d’animaux ou de reptiles comme en contiennent, nous dit Howitt, les deltas des rivières qui se déversent dans le lac Eyre.

  1. Nat. Tr., p. 181.
  2. Tribu située à l’est du lac Eyre.
  3. North. Tr., p. 287-288.