Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/484

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clan de l’Igname envoie les gens de la phratrie à laquelle il n’appartient pas lui-même cueillir de ces plantes ; ceux-ci lui en rapportent quelques-unes et lui demandent d’intervenir pour que l’espèce se développe bien. Il en prend une, la mord et jette les morceaux de tous les côtés[1]. Chez les Kaitish, quand, après des rites variés que nous ne décrivons pas, une certaine graine d’herbe appelée Erlipinna est parvenue à son plein développement, le chef du totem en apporte un peu au camp des hommes et la moud entre deux pierres ; on recueille pieusement la poussière ainsi obtenue, et on en place quelques grains sur les lèvres du chef qui, en soufflant, les disperse dans tous les sens. Ce contact avec la bouche du chef, qui possède une vertu sacramentaire toute spéciale, a, sans doute, pour objet de stimuler la vitalité des germes que ces grains contiennent et qui, projetés à tous les coins de l’horizon, vont communiquer aux plantes les propriétés fécondantes qu’ils possèdent[2].

L’efficacité de ces rites ne fait pas de doute pour l’indigène : il est convaincu qu’ils doivent produire les résultats qu’il en attend, avec une sorte de nécessité. Si l’événement trompe ses espérances, il en conclut simplement qu’ils ont été contrecarrés par les maléfices de quelque groupe hostile. En tout cas, il ne lui vient pas à l’esprit qu’un résultat favorable puisse être obtenu par d’autres moyens. Si, par hasard, la végétation pousse ou si les animaux prolifèrent avant qu’il n’ait procédé lui-même à l’Intichiuma, il suppose qu’un autre Intichiurna a été célébré, sous terre, par les âmes des ancêtres et que les vivants recueillent les bénéfices de cette cérémonie souterraine[3].

  1. Ibid., p. 296-297.
  2. Nat. Tr., p. 170.
  3. Ibid., p. 519. L’analyse des rites qui viennent d’être étudiés a été faite uniquement avec les observations que nous devons à Spencer et Gillen. Depuis que notre chapitre a été rédigé, Strehlow a publié le