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Dans les tribus du Nord-Ouest qu’a étudiées Clément[1] et qui occupent le territoire compris entre la rivière Fortescue et la rivière Fitzroy, des cérémonies sont célébrées qui ont exactement le même objet que l’Intichiuma des Arunta, et qui semblent être, pour la plupart, essentiellement mimétiques.

On appelle tarlow, chez ces peuples, des tas de pierres évidemment sacrées, puisque, comme nous allons le voir, elles sont l’objet de rites importants. Chaque animal, chaque plante, c’est-à-dire, en somme, chaque totem ou sous-totem[2], est représenté par un tarlow dont un clan déterminé[3] à la garde. On voit aisément l’analogie qu’il y a entre ces tarlow et les pierres sacrées des Arunta.

Quand les kangourous, par exemple, deviennent rares, le chef du clan auquel appartient le tarlow des kangourous, s’y rend avec un certain nombre de ses compagnons. Là, on exécute différents rites dont les principaux consistent à sauter, autour du tarlow, comme sautent les kangourous, à boire comme ils boivent, en un mot, à imiter leurs mouvements les plus caractéristiques. Les armes qui servent à la chasse de l’animal jouent un rôle important dans ces rites. On les brandit, on les lance contre les pierres, etc. Quand il s’agit des émous, on va au tarlow de l’émou ; on marche, on court comme font ces oiseaux. L’habileté dont font preuve les indigènes dans ces imitations est, paraît-il, tout à fait remarquable.

D’autres tarlow sont consacrés à des plantes, à des graines d’herbe par exemple. Dans ce cas, ce qu’on imite, ce sont les opérations qui servent à vanner ces graines ou à les moudre. Et comme, dans la vie ordinaire, ce sont les

  1. Ethnographical Notes on the Western-Australian Aborigines, in Internationales Archiv. f. Ethnographie, XVI, p. 6-7. Cf. Withnal, Marriage Rites and Relationship, in Science of Man, 1903, p. 42.
  2. Nous supposons qu’un sous-totem peut avoir un tarlow parce que, suivant Clément, certains clans ont plusieurs totems.
  3. Clément dit a tribal-family.