Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/544

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux que faisait cet ancêtre dans les mêmes circonstances. Sans doute, à parler exactement, il ne joue pas le personnage ancestral, comme pourrait le faire un acteur ; il est ce personnage même. Il n’en reste pas moins que, en un sens, c’est le héros qui occupe la scène. Pour que le caractère représentatif du rite s’accentue, il suffira que la dualité de l’ancêtre et de l’officiant s’accuse davantage ; c’est précisément ce qui arrive chez les Warramunga[1]. Même chez les Arunta, on cite au moins un Intichiuma où certaines personnes sont chargées de représenter des ancêtres avec lesquels elles n’ont aucun rapport de filiation mythique, et où, par suite, il y a représentation dramatique proprement dite : c’est l’Intichiuma de l’Émou[2]. Dans ce cas également, contrairement à ce qui se passe d’ordinaire chez ce peuple, il semble bien que le théâtre de la cérémonie soit artificiellement aménagé[3].

De ce que ces deux sortes de cérémonies, malgré les différences qui les séparent, ont ainsi comme un air de parenté, il ne suit pas qu’il y ait entre elles un rapport

  1. Peut-être cette différence vient-elle en partie de ce que, chez les Warramunga, chaque clan est censé descendre d’un seul et unique ancêtre autour duquel l’histoire légendaire du clan est venue se concentrer. C’est cet ancêtre que le rite commémore ; or, l’officiant n’en descend pas nécessairement. On peut même se demander si ces chefs mythiques, sorte de demi-dieux, sont soumis à la réincarnation.
  2. Dans cet Intichiuma, trois assistants représentent des ancêtres « d’une considérable antiquité » ; ils jouent un véritable rôle (Nat. Tr., p. l8l-182). Spencer et Gillen ajoutent, il est vrai, qu’il s’agit d’ancêtres postérieurs à l’époque de l’Alcheringa. Mais ils ne laissent pas d’être des personnages mythiques, représentés au cours d’un rite.
  3. On ne nous parle pas, en effet, de rochers ou de trous d’eau sacrés. Le centre de la cérémonie est une image de l’émou qui est dessinée sur le sol et qui peut être exécutée en un endroit quelconque.