Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/559

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Encore, chez les Arunta, ces deux sortes de cérémonies se distinguent-elles l’une de l’autre par certains caractères secondaires. Si la contexture du rite est la même dans les deux cas, nous savons pourtant que les effusions de sang et, plus généralement, les oblations caractéristiques de l’Intichiuma arunta, manquent aux cérémonies d’initiation. De plus, tandis que, chez ce même peuple, l’Intichiuma a lieu à un endroit que la tradition fixe réglementairement et où l’on est obligé de se rendre en pèlerinage, la scène sur laquelle ont lieu les cérémonies de l’initiation est purement conventionnelle[1]. Mais quand, comme c’est le cas chez les Warramunga, l’Intichiuma consiste en une simple représentation dramatique, l’indistinction est complète entre les deux rites. Dans l’un comme dans l’autre, on commémore le passé, on met le mythe en action, on le joue et on ne peut pas le jouer de deux manières sensiblement différentes. Une seule et même cérémonie sert donc, suivant les circonstances, à deux fonctions distinctes[2].

  1. Elle ne peut même pas avoir un autre caractère. En effet, comme l’initiation est une fête tribale, des novices de totems différents sont initiés au même moment. Les cérémonies qui se succèdent ainsi en un même endroit se rapportent donc toujours à plusieurs totems, et, par conséquent, il faut bien qu’elles aient lieu en dehors des localités auxquelles elles se rattachent d’après le mythe.
  2. On peut s’expliquer maintenant d’où vient que nous n’ayons, nulle part, étudié les rites d’initiation en eux-mêmes : c’est qu’ils ne constituent pas une entité rituelle, mais sont formés par un conglomérat de rites d’espèces différentes. Il y a notamment des interdits, des rites ascétiques, et des cérémonies représentatives qui sont indistinctes de celles qui se célèbrent lors de l’Intichiuma. Nous avons donc dû démembrer ce système composite et traiter séparément de chacun des rites élémentaires qui le composent, en les classant avec les rites similaires dont il est nécessaire de les rapprocher. D’autre part, nous avons vu (p. 409 et suiv.) que l’initiation a servi de point de départ à une religion nouvelle qui tend à dépasser le totémisme. Mais de cette religion il nous a suffi de montrer que le totémisme contenait le germe ; nous n’avions pas à en suivre le développement. L’objet de ce livre est d’étudier les croyances et les pratiques élémentaires ; nous devons donc nous arrêter au moment où elles donnent naissance à des formes plus complexes.