Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/570

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ils varient avec l’âge, le sexe, la valeur sociale des individus[1]. Mais les cérémonies du deuil proprement dit reproduisent partout le même thème ; les variantes ne sont que de détail. Partout, c’est le même silence entrecoupé de gémissements[2], la même obligation de se couper les cheveux ou la barbe[3], de s’enduire la tête de terre de pipe, ou de se la couvrir de cendres, voire même d’excréments[4] ; partout, enfin, c’est la même fureur à se frapper, à se lacérer, à se brûler. Dans le centre de Victoria, « quand un cas de mort survient, les femmes pleurent, se lamentent, se déchirent la peau de tempes avec leurs ongles. Les parents du défunt se lacèrent avec rage, spécialement si c’est un fils qu’ils ont perdu. Le père se frappe la tête avec un tomahawk et pousse d’amers gémissements. La mère, assise près du feu, se brûle la poitrine et le ventre avec un bâton rougi au feu… Parfois, ces brûlures sont si cruelles que la mort en résulte »[5]. D’après un récit de Brough Smyth, voici ce qui se passe dans les tribus méridionales du même État. Une fois que le corps est descendu dans la fosse, « la veuve commence ses funèbres cérémonies. Elle se coupe les cheveux sur le devant de la tête et, parvenue à un véritable état de frénésie, elle saisit des bâtons rougis au feu et se les applique sur la poitrine, sur les bras, les jambes, les cuisses. Elle semble se délecter aux tortures qu’elle s’inflige. Il serait téméraire et, d’ailleurs, inutile de chercher à l’arrêter. Quand, épuisée, elle ne peut plus marcher, elle s’efforce encore de donner des coups de pieds dans les cendres du foyer et de les lancer dans toutes les directions.

  1. V. notamment Roth, loc. cit., p. 368 ; Eyre, Journals of Exped. into Central Australia, II, p. 344-345, 347.
  2. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 500 ; North Tr., p. 507, 508 ; Eylmann, p. 241 ; Langloh Parker, The Eulahlayi, p. 83 et suiv. ; Brough Smyth, I, p. 118.
  3. Dawson, p. 66 ; Howitt, Nat. Tr., p. 466 ; Eylmann, p. 239-240.
  4. Brough Smyth, I, p. 113.
  5. W. E. Stanbridge, Trans. Ethnological Society of London, n. s., t. I, p. 286.