Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/59

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christianisme s’est efforcé de les absorber et de se les assimiler ; il leur a imprimé une couleur chrétienne. Néanmoins, il en est beaucoup qui ont persisté jusqu’à une date récente ou qui persistent encore avec une relative autonomie : fêtes de l’arbre de mai, du solstice d’été, du carnaval, croyances diverses relatives à des génies, à des démons locaux, etc. Si le caractère religieux de ces faits va en s’effaçant, leur importance religieuse est pourtant telle qu’ils ont permis à Mannhardt et à son école de renouveler la science des religions. Une définition qui n’en tiendrait pas compte ne comprendrait donc pas tout ce qui est religieux.

Les phénomènes religieux se rangent tout naturellement en deux catégories fondamentales : les croyances et les rites. Les premières sont des états de l’opinion, elles consistent en représentations ; les secondes sont des modes d’action déterminés. Entre ces deux classes de faits, il y a toute la différence qui sépare la pensée du mouvement.

Les rites ne peuvent être définis et distingués des autres pratiques humaines, notamment des pratiques morales, que par la nature spéciale de leur objet. Une règle morale, en effet, nous prescrit, tout comme un rite, des manières d’agir, mais qui s’adressent à des objets d’un genre différent. C’est donc l’objet du rite qu’il faudrait caractériser pour pouvoir caractériser le rite lui-même. Or, c’est dans la croyance que la nature spéciale de cet objet est exprimée. On ne peut donc définir le rite qu’après avoir défini la croyance.

Toutes les croyances religieuses connues, qu’elles soient simples ou complexes, présentent un même caractère commun : elles supposent une classification des choses, réelles ou idéales, que se représentent les hommes, en deux classes, en deux genres opposés, désignés généralement par deux termes distincts que traduisent assez bien les mots de profane et de sacré. La division du monde en deux domaines comprenant, l’un tout ce qui est sacré, l’autre tout