Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/603

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fût-il celui de l’être protoplasmique le plus simple qu’on pût concevoir, les vérités ainsi obtenues seraient applicables à tous les vivants, même aux plus élevés. Si donc, dans les très humbles sociétés qui viennent d’être étudiées, nous avons réellement réussi à apercevoir quelques-uns des éléments dont sont faites les notions religieuses les plus fondamentales, il n’y a pas de raison pour ne pas étendre aux autres religions les résultats les plus généraux de notre recherche. Il n’est pas concevable, en effet, que, suivant les circonstances, un même effet puisse être dû tantôt à une cause, tantôt à une autre, à moins que, au fond, les deux causes n’en fassent qu’une. Une même idée ne peut pas exprimer ici une réalité, et là une réalité différente, à moins que cette dualité soit simplement apparente. Si, chez certains peuples, les idées de sacré, d’âme, de dieux s’expliquent sociologiquement, on doit scientifiquement présumer que, en principe, la même explication vaut pour tous les peuples où les mêmes idées se retrouvent avec les mêmes caractères essentiels. À supposer donc que nous ne nous soyons pas trompé, certaines, tout au moins, de nos conclusions peuvent légitimement être généralisées. Le moment est venu de les dégager. Et une induction de cette nature, ayant pour base une expérience bien définie, est moins téméraire que tant de généralisations sommaires qui, en essayant d’atteindre d’un coup l’essence de la religion sans s’appuyer sur l’analyse d’aucune religion en particulier, risquent fort de se perdre dans le vide.

I

Le plus souvent, les théoriciens qui ont entrepris d’exprimer la religion en termes rationnels, y ont vu, avant tout, un système d’idées, répondant à un objet déterminé. Cet objet a été conçu de manières différentes : nature, infini, inconnaissable, idéal, etc. ; mais ces différences